Zoom du public 2018 - Cédric Roux
Présenté par Gérald Vidamment - Compétence Photo
Biographie
Né en 1982 en région parisienne, Cédric Roux est passionné de photographie de rue depuis de longues années. Mais il a tardé à pratiquer l’exercice, craignant de ne pas réussir à saisir les scènes de vie comme il le souhaitait. Il aura fallu attendre un premier voyage d’une semaine à New York en 2012 pour qu’il ose enfin franchir le pas. Depuis 2014, il s’y consacre régulièrement, se rendant tantôt sur le continent américain, tantôt dans des grandes villes d’Europe comme Istanbul, caractérisées par leur grande diversité culturelle. En 2017, il est finaliste de festivals de photographie de rue à Miami, San Francisco, Londres et Rome et obtient sa première publication dans le magazine America.
Eloge
Cachez donc ce visage que je ne saurais voir. Ce propos, ni Molière ni un photographe – de rue ou d’ailleurs – n’imaginerait le tenir. Mais voilà : en France, terre de Joseph Nicéphore Nièpce et de Louis Daguerre, s’applique un droit : celui lié à son image. Dans le Code civil, il se résume en seulement neuf mots : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » (article 9 alinéa 1er). Cet énoncé, aussi bref qu’évasif, impose de fait à tout photographe (français uniquement) ce que l’on pourrait affablement nommer un devoir de réserve au déclenchement en l’absence de l’accord préalable de la personne sur le point d’être photographiée. Face à ce questionnement récurrent avant chaque mouvement de l’index – ai-je ou n’ai-je pas le droit ? – Cédric Roux a tranché en relevant le défi de réaliser une série photographique intitulée Droit à l’image. Autrement dit, saisir dans la rue des scènes de vie respectant à la lettre le droit français tout en soulignant l’absurdité de la situation, qui incite notamment à prioriser la recherche de l’esthétique à défaut de pouvoir développer une approche plus documentaire.
Si, au nom du droit à l’image, Cédric a accepté – temporairement tout au moins – de se conformer à la loi en vigueur pour mener à bien sa quête photographique, il a toutefois fixé à son tour une règle intangible : s’interdire de photographier une personne de dos. En somme, pour chaque image, ce fut une rencontre fortuite de face, voire de profil, avec son sujet – parfois même plusieurs simultanément. Bien entendu, il fallait esquiver les visages. Pour y parvenir, Cédric aura usé de tous les stratagèmes. Au-delà des classiques jeux d’ombres et du recours aux contrastes extrêmes, il jongla habillement avec les cadrages, tira parti d’éléments obstruant la vue, profita de la moindre action fugace et de quelques heureux concours de circonstances patiemment attendus.
Cette quête photographique, Cédric Roux l’a mené sans relâche avec ce qui a toujours caractérisé son travail : la bienveillance. Finalement, si la série Droit à l’image cherche à interpeller tout un chacun sur le bien-fondé d’une loi hexagonale, elle participe plus encore à la réconciliation entre le photographe de rue et son sujet de prédilection : le passant. D’ailleurs, à en croire Cédric, ce dernier ne serait généralement pas avare de sourires, une fois la prise de vue effectuée et le photographe démasqué.
Zoom du jury 2018 - Chloé Sharrock
Présentée par Didier de Faÿs - Photographie.com
Biographie
Née en 1992 à Chamonix, Chloé est très jeune baignée dans un environnement artistique, où l'image se place comme medium privilégié pour exprimer ses émotions et ses ressentis. C'est donc naturellement qu’elle se tourne, dans un premier temps, vers des études d'Histoire de l'art à l'Université Lumière à Lyon dans lesquelles elle se spécialise sur les courants picturaux du XIVe au XIXe siècle. Grandement influencée dans son travail par cette esthétique elle apporte une attention toute particulière à la lumière et la composition. Par la suite elle entreprend des études de Cinéma à l'Université Paris VIII à Paris spécialisée en réalisation de documentaire et de cinéma expérimental. Prenant sa source dans l'aspect documentaire de ses études, très vite une envie de témoigner du réel s'impose à elle. En 2016, elle décide que son média sera la photographie et ce dans une dimension résolument journalistique. Un premier voyage au Liban en Décembre 2016 lui ouvre les yeux sur le Moyen-Orient. Quelques mois plus tard elle crée l’association « Alhawiat, » qui promeut le rôle des femmes dans la reconstruction des sociétés éclatées par les conflits, et entame un large projet photographique au pays du Cèdre auprès des femmes Libanaises, Syriennes et Palestiniennes - projet encore en cours aujourd'hui. Chloé rejoint l’agence Le Pictorium en avril 2018 afin de donner plus de visibilité à son travail.
Eloge
Écrire avec la lumière, c’est littéralement le choix de Chloé Sharrock pour témoigner du réel. À la suite de ses études en réalisation de documentaire et cinéma expérimental, elle devient photographe. Avec passion et conscience. Ce n’est pas pour rester à la surface des événements, pour reproduire les clichés de la manipulation de l’information. Elle pousse son engagement à traiter des conflits hors des champs de batailles et de la guerre des images. Lorsque la nuit tombe à Gaza, Chloé Sharrock raconte la vie sans lumière dans des photographies subtiles où l’on ressent progressivement la pénurie d’électricité comme le début d’une liste sans fin de conséquences… Écoutons cette jeune photographe lorsque la nuit tombe sur Gaza. « Il est juste six heures de l’après midi, mais l’hiver raccourcit les jours et bientôt le quartier sera plongé dans l’obscurité totale. » Car les gazaouis ne disposent quotidiennement et de manière aléatoire que de quelques heures d’électricité *. Cette pénurie d’électricité provoque de sérieuses conséquences sur la vie quotidienne de milliers de vies qui dépendent des équipements électriques : problèmes économiques évidemment mais aussi sanitaires et environnementaux. Dans cette série elle décrypte la pièce de théâtre et l’enjeu de Gaza qui « autrefois la clé de voûte de la politique palestinienne, fière et pleine de défi, n’est plus aujourd’hui que le point névralgique de querelles qui agitent la Palestine moderne divisée en deux clans, le Fatah de Mohamoud Abbas et le Hamas d’Ismaël Haniyeh qui contrôle Gaza depuis sa violente prise de pouvoir en 2007. Un blocus renforcé sur le territoire de la part d’Israël et de l’Égypte ajoute à l’exaspération constante des divisions et conduit à une impasse qui atteint son point de rupture : la situation à la fois économique et sociale est alarmante. Au cœur de ces jeux de pouvoir constants, l’électricité est devenue un moyen de pression qui détériore profondément la situation humanitaire déjà au bord de l’effondrement. » Les dix photos présentées pour les Zooms du Salon de la Photo couvrent cette vie malgré tout dans les ruelles obscures. C’est un fragment, car Chloé Sharrock complète son décryptage dans les intérieurs des familles; elle réalise des reportages dans les hôpitaux et les infrastructures sanitaires complétées par les portraits des responsables économiques et politiques. Elle documente ainsi le drame humain dans son ensemble. Quel rôle important pour un jeune photographe que faire toute la lumière sur ce que l’on ne peut plus voir…
Zoom Japon 2019
Le 28 mars: ouverture du CP+ Yokohama avec la présentation de l'exposition des Zooms 2019 (France) et The Editors' Photo award Japan.
Les lauréats, Chloé Sharrock (prix de la presse photo) et Cédric Roux (prix du public) se sont retrouvés autour de nos journalistes français dans une rencontre publique autour de leur travail à côté des lauréats japonais Ryo Takagi (prix des éditeurs) et Hitomi Sato (prix du public).
Après cette séance les lauréats japonais ont présenté leur portfolios à Gérald Vidamment (Compétence Photo) et Didier de Faÿs (Photographie.com).